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    MTL

    Avec Dans le ventre, Lindsay Montgomery propose une plongée viscérale dans les territoires de l’intime, au cœur des histoires familiales, des expériences fondatrices et des traumatismes intergénérationnels qui ont façonné son identité. Dans son travail récent, elle aborde sans détour des enjeux sensibles  — alcoolisme, pauvreté, ruralité, les séquelles persistantes du colonialisme et de la suprématie blanche — qui ont marqué son enfance et son adolescence dans l’Ontario rural, où sa famille est établie depuis plus d’un siècle. 

    Elle évoque également la relation profonde, quasi mystique, qu’elle entretient avec la nature sauvage, un espace liminal de refuge où, en grandissant, elle a vécu des expériences initiatiques et transcendantes. Ses œuvres évocatrices proposent des récits d’héritage, de résilience, de guérison et d’émancipation. 

    Puisant dans l’imagerie eschatologique du Moyen Âge autant que dans l’art décoratif et pictural de la Renaissance, Lindsay Montgomery réactive la tradition italienne de l’istoriato (histoire peinte) pour façonner des œuvres narratives denses, où se croisent ses mythologies personnelles et des représentations allégoriques des enjeux contemporains.

     

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    Pour évoquer les absurdités de notre époque tourmentée, les drames intimes du quotidien et affronter ses propres démons intérieurs, l’artiste convoque des paysages d’enfer, de purgatoire, de forêts et d’Éden, peuplés de diables cornus, de créatures mythologiques, de figures grotesques et de bêtes féroces. Dans ses compositions, visions paradisiaques et scènes infernales se côtoient, créant un dialogue continu entre enchantement, souffrance et chaos. Par cette juxtaposition, Montgomery met en lumière les dissonances profondes d’un monde contemporain saturé d’images et d’informations, où les préoccupations les plus triviales coexistent avec des catastrophes absolues. 

    Chez Montgomery, les paysages infernaux et de limbes deviennent ainsi le théâtre symbolique des angoisses du quotidien tandis que jardins et forêts apparaissent comme des havres de liberté, d’émancipation et d’affranchissement. Dans cette géographie symbolique, la nature devient un lieu d’ancrage pour retrouver son équilibre et renouer avec les forces mystérieuses et indomptées du vivant. 

    Les figures récurrentes de l’ermite et du cyclope incarnent une féminité sauvage et insoumise, qui rejette les idéaux de rationalité, de progrès et de civilisation hérités des Lumières. En se retirant dans les bois, ces êtres solitaires revendiquent une forme de savoir intuitive, enracinée dans le corps.

    La gueule de l’enfer, figurée sous la forme béante d’un loup, agit à la fois comme portail vers l’au-delà et seuil symbolique entre civilisation (enfer) et nature (paradis). Elle incarne les angoisses contemporaines dévorantes, tout autant que la menace sourde des démons intérieurs qui nous hantent.

    Traversées d’allégories fantastiques, de symboles polysémiques et de références à l’histoire de l’art, les œuvres de Lindsay Montgomery, empreintes d’étrangeté, de chaos et de féérie, s’inscrivent dans le sillage des peintures foisonnantes de Jérôme Bosch et de Pieter Brueghel l’Ancien, où chaque élément recèle un sens à déchiffrer, en résonance avec les tensions et les angoisses du monde contemporain.

     

    Œuvres exposées