À partir d’une variété de médiums tels que la peinture, la sculpture et le textile, Sophia Borowska, Jannick Deslauriers, François Morelli et Ingrid Syage Tremblay explorent leur relation au fait-main de même que ses possibilités multiples, tissant ensemble la trame du quotidien.
S’inspirant des objets domestiques et architecturaux qui jalonnent nos existences communes, ils exploitent le pouvoir évocateur de ces éléments familiers, mettant en lumière leur valeur et leur signification mémorielle, rituelle et affective ou encore la détournant pour soulever l’intrusion du social dans la sphère de l’intime. Transcendant l’apparente contingence des objets dont ils s’inspirent, ils en exaltent avec virtuosité la richesse symbolique insoupçonnée afin de susciter des réflexions variées sur le passage du temps, la mémoire, la perte, la présence, l’absence et le tissu social.
Jannick Deslauriers et Sophia Borowska emploient des matières textiles souples, voire translucides, de même que des techniques historiquement associées à la sphère domestique et féminine pour représenter des façades urbaines ou des objets usuels du quotidien. Leurs créations sont ainsi traversées d’une tension entre robustesse et délicatesse, entre rigueur du construit et souplesse, entre monumentalité et intimité. Symboliquement, elles naviguent entre l’affirmation de la construction sociale et sa déconstruction critique, par le détournement artistique. Alors que Jannick Deslauriers représente des façades de maison patrimoniales détruites, ou encore des objets associés à l’espace domestique et scolaire, Sophia Borowska s’inspire quant à elle dans ses tapisseries de l’architecture durable des villes scandinaves de Copenhague et de Nykøbing Sjælland pour imaginer une ville utopique en tissant littéralement un tissu urbain. Chacune des fibres, tissées ensemble, se fait alors une allégorie du lien social.
Cette dynamique se retrouve également chez Ingrid Syage Tremblay, qui s’inspire, dans ses créations, des mouvements des paysages maritimes industriels et des objets qui s’y trouvent, en l’occurrence le filet de pêche. Sculptant à même un tronc d’arbre, elle transforme avec agilité cette matière rigide, de sorte à lui conférer la douceur, la souplesse, la fluidité et la légèreté du textile. Par l’utilisation du bois, un matériau vivant qui porte en ses sillons sa propre temporalité et son histoire, elle conjugue symboliquement son récit intime à celui de la nature.
Quant à François Morelli, sa peinture se penche formellement sur la matérialité et la portée symbolique des ceintures trouvées à partir desquelles il conçoit des beltheads, des créatures performatives modulables, qui, par leur faculté de peindre et de dessiner, se veulent une extension de l’acte créateur de l’artiste. En outre, Morelli interroge la dualité inhérente de la ceinture, utilisée quotidiennement comme dispositif de contrôle du corps. Il explore picturalement comment cet objet est destiné à contenir et à restreindre le corps, tout en étant le symbole de sa libération en particulier dans la relation intime avec autrui.