À partir d’une variété de médiums tels que la peinture, la sculpture et le textile, Sophia Borowska, Jannick Deslauriers, Amélie Proulx et Ingrid Syage Tremblay explorent leur relation au fait-main et ses possibilités multiples, tissant ensemble la trame du quotidien.
S’inspirant des objets domestiques et architecturaux qui jalonnent notre existence, elles exploitent le pouvoir évocateur de ces éléments familiers, mettant en lumière leur valeur et leur signification mémorielle, rituelle et affective ou encore la détournant pour soulever l’intrusion du social dans la sphère intime. Transcendant l’apparente contingence des objets dont elles s’inspirent, elles exaltent avec virtuosité leur richesse symbolique insoupçonnée afin de susciter des réflexions variées sur le passage du temps, la mémoire, la perte, la présence, l’absence et le tissu social.
Jannick Deslauriers et Sophia Borowska emploient des matières textiles souples, voire translucides, de même que des techniques historiquement associées à la sphère domestique et féminine pour représenter des façades urbaines ou des objets usuels du quotidien. Leurs créations sont traversées par une tension entre robustesse et délicatesse, entre rigueur du construit et souplesse, entre monumentalité et intimité. Symboliquement, elles naviguent entre l’affirmation de la construction sociale et sa déconstruction critique par le détournement artistique. Alors que Jannick Deslauriers représente des façades de maison patrimoniales détruites ou encore des objets associés à l’espace domestique et scolaire, Sophia Borowska s’inspire, dans ses tapisseries, de l’architecture durable des villes scandinaves de Copenhague et de Nykøbing Sjælland pour imaginer une ville utopique en tissant littéralement un tissu urbain. Chaque fibre, tissée ensemble, dessine une allégorie de la communauté et du lien social.
Cette dynamique se retrouve également chez Ingrid Syage Tremblay, qui s’inspire, dans ses créations, des mouvements qui animent les paysages maritimes industriels et des objets qui s’y trouvent, notamment le filet de pêche. Sculptant à même un tronc d’arbre, elle sculpte avec virtuosité cette matière robuste pour lui conférer la douceur, la souplesse, la fluidité et la légèreté du textile. En utilisant le bois, un matériau vivant qui porte en ses sillons sa propre temporalité et son histoire, elle conjugue symboliquement son récit intime à celui de la nature.
Quant à Amélie Proulx, ses murales de porcelaine trouvent leur inspiration dans les tapisseries animalières du Moyen Âge et de la Renaissance. Hiboux et chauves-souris évoluent au sein de fresques ornementées de motifs végétaux qui dessinent des paysages forestiers stylisés. L’artiste illustre dans ses scènes féériques empreintes de poésie le phénomène biologique de la zoochorie, un processus écologique crucial par lequel les animaux, en contribuant à la dispersion naturelle des graines, favorisent la reproduction et la propagation des plantes et des arbres et contribuent à façonner les paysages qui nous entourent.