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    QUÉ

    Dans Supercherie, Brault orchestre avec finesse une tromperie habile. Derrière des apparences naturalistes, les animaux représentés n’existent pas dans la réalité. Les traits caractéristiques de certaines espèces telles que le saumon, le doré, la truite, la gélinotte huppée, le martin-pêcheur ou la corneille sont certes identifiables, mais ces créatures sont en réalité des chimères, fruit d’un assemblage de divers spécimens. Dans ce corpus où les animaux sont les véritables protagonistes, l’artiste leur confère un aspect surnaturel. Si l’être humain y est également présent, il est relégué au second plan, représenté à échelle réduite et esquissé sommairement en des traits schématiques et nerveux dans un style évoquant la bande dessinée. Dans ce scénario utopique, la nature reprend enfin ses droits.

    Pour accentuer le caractère extraordinaire des créatures qu’il représente, Dan Brault s’inspire de l’esthétique de la science-fiction, notamment du genre des superhéros. Les bêtes, avec leurs yeux hypnotiques luisant dans la pénombre, semblent dotées d’une force mythique. Elles flottent au sein d’espaces indéfinis, semblables à des limbes, leurs silhouettes tridimensionnelles baignant parmi les couleurs vives, presque fluorescentes.

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    En réalité, – et c’est là tout le génie de Dan Brault – cette mise en scène narrative constitue une prodigieuse supercherie. Chez l’artiste, la figuration est un piège exquis dans lequel on se laisse happer avec délice. En bon chasseur, le peintre joue de la sensibilité du spectateur à la narration, l’appâtant en disséminant dans ses toiles, des éléments figuratifs plus ou moins arbitraires dont ce dernier s’évertuera à décoder le sens. Créatures, objets et caractères calligraphiques agissent en somme comme des appâts, des leurres pour captiver l’attention du spectateur et l’entraîner à s’égarer dans les méandres de ses compositions essentiellement abstraites. Dans les faits, les tableaux de Dan Brault reposent sur un subtil agencement et un équilibre entre les couleurs et les formes qui, en interagissant les unes avec les autres, composent une symphonie visuelle avec ses dissonances et ses harmonies, vibrant toutes d’une énergie singulière. C’est d’ailleurs pour défier la figuration que le peintre, avec une espièglerie enfantine, s’amuse à brouiller la lecture des éléments figuratifs dans ses toiles, les griffonnant de traits grossiers ou les recouvrant partiellement de taches de couleur libres et expressives.

    Œuvres exposées