Déployant un savoir-faire exceptionnel et une sensibilité poétique remarquable, Amélie Proulx met en relief, dans chacune de ses œuvres, la puissance de la nature, le passage du temps et la perpétuelle métamorphose du vivant. Dans Substrat nocturne, l’artiste aborde différentes temporalités cycliques, les illustrant par des métaphores naturelles évocatrices dont la riche iconographie participe à un renouvellement de la nature morte.
Les herbes de passage mettent en scène les cycles de vie nocturnes d’animaux tels que le hibou, la chouette et la chauve-souris. À travers des fresques murales fantaisistes d’une grande finesse, l’artiste soulève le rôle essentiel de certaines espèces dans la transformation des paysages ainsi que leur contribution vitale, bien que trop méconnue, à la régénération de la biodiversité. Y est illustré le phénomène écologique de la zoochorie, un processus naturel de dispersion des graines par les animaux essentiel à la reproduction et à la propagation des végétaux. En traduisant matériellement les manifestations invisibles du monde naturel, Amélie Proulx nous invite ainsi à nous interroger sur notre rapport au vivant, soulevant la nécessité de travailler de concert avec la nature pour assurer l’équilibre et la pérennité de nos écosystèmes.
À travers sa série Les horizons marqueurs, Proulx sonde la temporalité longue de la géologie, qui se révèle parfois à travers les strates successives des roches sédimentaires, dessinant des paysages horizontaux immémoriaux. Telle une géologue, l’artiste a parcouru le territoire à la recherche de roches et de minéraux qu’elle a soigneusement choisis, extraits puis concassés afin de les intégrer à ses céramiques par un processus fastidieux de cuisson. Ses œuvres sensibles proposent une rencontre empreinte d’humilité entre l’être humain et le territoire, entre nature et culture.
Finalement, avec Topiaires d’hiver, l’artiste réactualise la tradition des vanités, un genre pictural de la nature morte évoquant le caractère éphémère et fragile de l’existence. Trônant au cœur d’un jardin d’hiver, des crânes humains richement ornementés, évoquant des sépultures anciennes exhumées lors de fouilles archéologiques, sont flanqués de part et d’autre de boules disco, symbole résolument moderne de festivités nocturnes. Traditionnellement, la mise en relation de ces deux éléments antithétiques aurait servi, de façon moraliste, à souligner la vacuité des plaisirs humains face à l’inexorabilité de la mort. Cependant, dans une réinterprétation contemporaine de la vanité, on peut déceler une touche d’humour et d’ironie dans la mise en relation de crânes et de boules disco, une volonté de l’artiste de rappeler que face à notre inéluctable mort et au passage rapide du temps, il est essentiel de célébrer la vie.