Chiguer art contemporain est honorée de présenter PAQUETS, une exposition solo de Gilles Mihalcean. Figure majeure de la sculpture au Canada cumulant plus de cinquante années de création, l’artiste est reconnu par son importante contribution au renouveau de la sculpture dans les années 1980 au pays de même que par son influence sur plusieurs générations d’artistes.
Dans PAQUETS, un jardin de sculptures symboliques se déploie dans l’espace de la galerie, chacune des œuvres se présentant comme une métaphore visuelle à déchiffrer. Poétiques et narratives, les constructions inventives de Mihalcean, élaborées par l’assemblage de représentations sculptées de formes et d’objets du quotidien, stimulent l’imaginaire et le sens du jeu. En les détournant de leur fonction usuelle, l’artiste déjoue les perceptions du spectateur et aménage un espace de liberté et d’évasion propice à la création de nouveaux récits. Le caractère narratif de ses œuvres étant délibérément indéfini, ambigu et ouvert, les possibilités d’interprétations sont pratiquement infinies.
Dans cette nouvelle production, des dialogues se tissent entre des éléments du quotidien et des représentations scientifiques, technologiques et cosmiques. Il se dégage pourtant une organicité saisissante de cet amalgame improbable entre le contingent et l’ontologique, le terrestre et le céleste, l’Homme et l’espace. De fait, au travers de cette imagerie se tissent des réflexions profondes d’ordre philosophique et spirituel, mais également affectif, social, et poétique. S’y reflètent des considérations propres à la culture québécoise, mais également les préoccupations de l’artiste, à la fois intimes et universelles. Mihalcean nous invite ainsi à une méditation sur la nature de l’être humain, le sens profond de la vie et notre place, si infime soit-elle, dans l’immensité de l’univers.
L’œuvre Fleur-larme pour Marie est articulée autour des émotions associées au deuil et à la perte, se dressant comme un hommage à Marie, épouse regrettée de l’artiste. À travers cette œuvre, Mihalcean rend plutôt compte des interrogations existentielles et spirituelles que fait surgir la disparition d’un proche. Sont superposés des symboles liés à l’humanité et au cosmos. Ici, un fémur humain se greffe à un astre abritant en son sein une boule de cristal, révélant une vision du monde inversée. Couronnant cet astre, trône la représentation moléculaire d’une goutte d’eau symbolisant une larme. Cet élément vital établit un lien entre l’Homme, la Terre et l’univers. Par l’intermédiaire de cette création, Gilles Mihalcean sonde le mystère profond et irrésolu de la vie et de la mort.
Avec La goutte, l’artiste fait plutôt référence à l’intolérance grandissante au sein de nos sociétés contemporaines à travers une représentation symbolique de l’expression « la goutte qui fait déborder le vase ». Cette œuvre met en scène une goutte géante s’écoulant d’un seau débordant, charriant sur son passage tumultueux tout ce que l’homme a construit, villes et villages, emportés dans l’abîme.
Dans un autre esprit, dans Tête de Robert Lepage, Gilles Mihalcean renouvelle la tradition académique du portrait sculpté et établit un dialogue avec l’histoire de la sculpture et la tradition du buste commémoratif. Par ce buste non figuratif de cette personnalité phare du paysage culturel québécois, l’artiste lui rend hommage, exprimant une fois de plus sa fascination et son attachement à la culture populaire québécoise.
S’inscrivant dans le sillage de sculpteurs avant-gardistes tels que Constantin Brancusi et Jean Arp, Mihalcean rompt avec les conventions traditionnelles du buste sculptural, ancrées dans la figuration mimétique. Il adopte une approche poétique et narrative pour représenter ses sujets, réunissant un ensemble d’éléments symboliques qui leurs sont associés. En l’absence de traits physionomiques identifiables, le sculpteur nous amène à réfléchir sur la portée symbolique de ces personnages, à ce qu’ils nous inspirent, tant sur le plan individuel que collectif. Dans Tête de Robert Lepage, la partie en bronze suggère, par sa forme, la partie supérieure d’un crâne, un crâne ou une perruque, étant une possible représentation abstraite du génie créatif et visionnaire de Lepage. Le traitement de la surface de bronze, ponctuée de cratères, pourrait être une allusion subtile à l’une de ses œuvres les plus célèbres: « La Face cachée de la Lune ».
