Inspirée par les images de Mars transmises par l’astromobile Perseverance en 2021, Catherine Bolduc imagine, dans une démarche autofictionnelle, le voyage d’une femme sur la planète rouge. Dans ces visions où réalité et fiction se confondent, les territoires cosmiques s’entrelacent avec ses paysages intérieurs, ouvrant une méditation poétique sur la précarité du vivant.
Lorsque la mission spatiale confirme la présence ancienne d’eau dans le cratère Jezero, la planète Mars, jusqu’alors perçue comme un astre aride et stérile, se révèle soudain comme un territoire qui aurait pu, un jour, abriter la vie. Par leur étrange familiarité, ces photographies frappent l’imaginaire de Catherine Bolduc. Le vertige qu’elles provoquent et les sentiments contradictoires qu’elles suscitent, entre proximité et étrangeté, lui inspirent cette série où l’artiste transpose sur cette planète ses visions de forêts luxuriantes et de formes de vie disparues. Mais ces paysages asséchés évoquaient aussi, en miroir, l’image accélérée d’une Terre aux prises avec son devenir apocalyptique.
Pour explorer cette tension entre émerveillement cosmique et désespoir écologique, Catherine Bolduc a travaillé à partir d’images de Mars imprimées sur papier aquarelle, qu’elle a ensuite altérées par superpositions de pigments, de produits cosmétiques et de techniques d’estampe. Les interventions au bleu outremer sur le sol ocre martien font réapparaître l’eau comme un souvenir visuel. Les empreintes de dentelle, les touches de vernis à ongles et les poudres irisées métamorphosent ces paysages en territoires hybrides, où la parure féminine devient métaphore de la fragilité du monde et de l’imminence de sa disparition.
Dans plusieurs œuvres, des chevelures abondantes, des cascades, des cratères ou encore des structures labyrinthiques inspirées du système nerveux viennent habiter la surface. Ces trouées, lustres et transparences matérialisent autant les zones sombres de la psyché que les mémoires effacées de la planète. Les textures, motifs et couleurs convoquent l’esthétique de l’ornement, brouillant les frontières entre cosmologie, intimité et vanité.
La série intègre également des silhouettes d’oiseaux disparus et de plantes rares ou menacées, qui peuplent ces paysages inventés comme les témoins d’un cycle inévitable d’apparition et de disparition.
En « habillant » et « maquillant » ces territoires, Catherine Bolduc propose une réflexion poétique sur la précarité du vivant, où la beauté de l’artifice dialogue avec la conscience de la finitude.