Dans Fugue en ruine majeure, Martin Bureau propose une méditation poignante sur le pouvoir, la violence et l’illusion du progrès, sur fond de ruine et de destruction. S’inspirant de la géopolitique contemporaine et de l’actualité internationale, l’artiste ouvre un espace de réflexion autour d’enjeux pressants tels que la crise environnementale, le colonialisme, la montée de l’extrême droite et la désinformation. Sa peinture, à la fois sensible, lucide et engagée, se veut un acte de résistance, un catalyseur exposant les dérives et les débordements de nos sociétés modernes.
Cette récente série éponyme de Martin Bureau capture avec finesse l’ambivalence propre au sentiment sublime, où la beauté coexiste avec la crainte. Ses aquarelles dévoilent des ruines émergeant des brumes, des façades imposantes ornées de dorures, témoins solitaires d’un passé glorieux au milieu de paysages désertés. Ces édifices hybrides, inspirés de l’esthétique brutaliste d’après-guerre, se situent à la croisée du temple religieux, du bunker et de l’orgue monumental. Par ces architectures fusionnant des références sacrées et militaires, Bureau met en garde contre les effets pernicieux des doctrines religieuses et nationalistes qui alimentent le protectionnisme guerrier et les idéologies identitaires, moteurs du déclin global auquel nous assistons.
Pourtant, de cette vision cataclysmique émane une étrange sérénité, les tons pastel insufflant une douceur singulière à ces scènes silencieuses d’une beauté bouleversante, à la fois tragique et majestueuse, à la croisée de la féérie et de la catastrophe.
À l’instar des peintres néoclassiques et romantiques des XVIIIe et XIXe siècle, Bureau explore le motif de la ruine pour évoquer la fragilité de notre civilisation. Dans ses œuvres, une tension saisissante s’installe entre la brutalité du sujet et la douceur aérienne de l’aquarelle. Tirant parti de la fluidité de ce médium, ses compositions vaporeuses, réalisées par la superposition de peinture appliquée en transparence et marquées de coulures, évoquent un monde en dissolution. Par cette technique, l’artiste suggère avec poésie la disparition d’une civilisation glissant lentement dans l’oubli.
Virginie Brunet-Asselin